Tel est pris qui croyait prendre/Et maintenant ?

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Partie I : Tel est pris qui croyait prendre

Emily Prentiss se mordit la lèvre inférieure et baissa les yeux dans son verre encore intact. Ses nerfs étaient à vifs, il fallait à tout prix qu'elle s'éloigne un peu. Regardant de nouveau son interlocuteur dans les yeux, elle sourit et lui indiqua d'un geste furtif qu'elle s'absentait quelques minutes. Il lui répondit d'un hochement de tête imperceptible accompagné d'un sourire ravageur et ne bougea pas, restant là à la regarder traverser le bar plein à craquer de sa démarche chaloupée. Emily sentit le regard peser dans son dos et se voulant joueuse, accentua le mouvement de ses hanches. Les toilettes où elle comptait se réfugier n'étaient plus très loin et son pas s'accéléra pour parcourir les derniers mètres. Une fois la porte fermée, elle poussa un profond soupir en voyant que les lieux étaient vides et se dirigea vers les lavabos d'un pas lourd et fatigué. Elle s'appuya contre le rebord d'un évier et s'examina dans le miroir. Son reflet lui renvoya un sourire moqueur qui lui fit secouer la tête d'abattement. Les rares fois où elle s'était pomponnée ces dernières années avaient été pour flirter avec des suspects et ce soir ne semblait pas échapper à cette règle absurde. Un tueur en série l'attendait au comptoir et cette idée était effrayante. Encore une fois elle servait d'appât pour une enquête criminelle. C'était pour protéger des victimes potentielles que Emily avait accepté la tâche et toujours avec la même optique qu'elle se forçait à draguer un dangereux psychopathe.
L'équipe avait été appelée une semaine auparavant à Sacramento pour aider sur une série de meurtres. Six femmes avaient été retrouvées sur le bas côté au sud de la départementale 80, toutes torturées puis égorgées. Grâce à des recoupements astucieux, Garcia avait donné un visage au suspect et y avait associé un nom : George Parkson. Il habitait au 459 Cutter Way et n'avait pas de parents proches. Hotch et Morgan avait fouillé son domicile de fond en comble sans trouver le moindre indice. Tout avait été analysé : les couteaux, les empreintes, les cheveux. Les couteaux n'avaient servi qu'à cuisiner, les empreintes étaient celles du suspect et les cheveux appartenaient à la femme de ménage, elle, toujours vivante. Rien d'autre qu'un bar ne le reliait aux victimes. Leur dernière possibilité pour inculper cet homme aurait été de découvrir l'endroit où il emmenait ces femmes. Le plan ne fut pas long à se mettre en place et Emily fut désignée pour duper leur suspect, le but final étant de se laisser entrainer sur les lieux des crimes. Devant le bar, une camionnette anodine stationnait et abritait Rossi et Morgan ainsi que tout le matériel audio, se savoir sur écoute la rassurait un peu. Dans la rue jouxtant le parking, Hotch et Reid surveillaient les allées et venues des véhicules, attentifs surtout aux déplacements du coupé bleu ciel de George. À l'intérieur trois autres agents l'observaient, assis à une table assez éloignée du comptoir pour ne pas se faire remarquer mais assez près pour les voir et intervenir en cas de besoin.

- Tout se déroule comme prévu, dit-elle sur le ton de la conversation pour que Morgan et Rossi l'entendent.

Emily soupira profondément et essaya de calmer le tremblement de ses mains, un nœud lui serrait l'estomac et sa nervosité persistait. Il fallait qu'elle se concentre et se calme avant de retourner dans la salle. Son regard, reflété par le miroir, se porta sur ses cheveux ondulés pour l'occasion, quelques uns relevés sur l'arrière de sa nuque. Avec maladresse, elle coinça une mèche noire dans la broche et ne put s'empêcher d'inspecter sa tenue. Elle avait choisi pour l'occasion une robe rouge lui tombant juste sous le genou et des chaussures noires à talons hauts qui mettaient en valeur sa silhouette longiligne. Elle portait un collier dont le pendentif tombait délicatement dans son décolleté et une chaine en or blanc au poignet que sa mère lui avait offert l'année dernière et qu'elle n'avait jamais mise. Une montre discrète ornait son poignet droit. Avant de partir, Morgan l'avait taquiné sur son accoutrement et avait réussi à la distraire le temps du trajet. Mais Morgan n'était pas là à cet instant précis pour la divertir avec ses âneries.
Consultant sa montre elle se rendit compte qu'elle s'était absentée plus longtemps qu'elle ne l'aurait dû et se recula lentement mais percuta quelqu'un et, avant d'avoir pu faire volte-face, sentit une main rêche et froide se poser sur sa bouche et un souffle chaud courir dans son cou. Son corps se raidit instantanément, elle n'avait pas entendu la personne entrer, perdue dans ses pensées. Une voix grinçante et monotone souffla à son oreille dans un murmure presque inaudible.

- Je sais qui tu es. Pas un bruit ou je te descends.

Effectivement, le canon froid d'une arme lui chatouillait le creux des reins et Emily cligna des paupières dans le miroir pour marquer son consentement. Elle se sentit tourner sur elle-même et les yeux bleus perçants de George vinrent trouver son regard sauvage et insoumis. Une espèce de sourire étirait les lèvres de l'homme en une grimace hautaine qui rendit Emily plus hargneuse que craintive. D'un signe de la main autoritaire il lui fit comprendre de retirer sa montre et de la jeter dans les toilettes. Les traits de Emily laissèrent transpercer un instant sa perplexité avant qu'elle ne se reprenne et s'exécute en silence. Elle revint d'un pas lent vers lui une fois la montre noyée et se sentit tirée par les cheveux puis plaquée violemment contre le mur.

- Maintenant on va gentiment sortir d'ici et si tu fais le moindre mouvement je tire, c'est clair chérie ?

Emily déglutit difficilement et sentit l'angoisse monter. Il ne fallait pas perdre ses moyens au risque de voir la situation mal tourner. Ses collègues s'étaient certainement aperçus de la perte de communication et elle allait voir d'une minute à l'autre Morgan défoncer la porte et voler à son secours. Hotch et Rossi s'occuperaient de désarmer son agresseur tandis que Reid essayerait de la réconforter avec des statistiques sur les agents du FBI morts en fonction. Mais rien ne se produisit comme elle l'avait prévu. George l'entraina hors du bar sans qu'ils n'attirent l'attention et personne ne lui vint en aide. En sortant dehors, l'air frais caressa leurs épaules nues et une brise glaciale fit frissonner Emily qui ne jeta pas un seul regard en arrière. George, lui, semblait serein ou du moins faisait-il semblant de l'être. En passant devant un coupé bleu ciel, la jeune femme s'arrêta mais fut bousculée par son bourreau qui émit un rire sarcastique derrière elle.

- Allons agent Prentiss, un peu de jugeote. Croyez-vous vraiment que je transporte mes victimes dans ma voiture ? Si c'était le cas, vos collègues y auraient retrouvé des empreintes.

La situation critique dans laquelle elle se trouvait et l'intelligence de ce psychopathe lui apparurent soudainement. Premièrement cet homme avait découvert son identité, s'était joué d'elle toute la soirée et avait compris que la montre cachait un micro. Deuxièmement personne n'avait remarqué leur sortie, pas même les agents à l'intérieur du bar. Et troisièmement ils allaient sortir sans se faire remarquer du parking dans une voiture inconnue de tous. Si ses collègues n'intervenaient pas tout de suite, elle serait prise au piège. Emily fit un pas de travers pour se tordre la cheville et gagner du temps mais George la remit debout d'une main ferme avec un grincement de dent agacé. Elle avait à présent une cheville foulée et toujours personne n'était apparu sur le parking. La peur l'étouffait mais elle savait l'équipe non loin d'elle et ce simple fait apaisa quelque peu son agitation. Ils avaient sûrement remarqué la perte de communication et attendaient patiemment pour les suivre en voiture. Une fois qu'ils auraient atteint le lieu des crimes, ils la libèreraient et arrêteraient cet individu.
George lui pressa le bras pour qu'elle s'arrête et lui montra un van noir parqué dans un coin sombre du parking. Il fit coulisser la porte latérale et Emily eut juste le temps de voir l'intérieur dénudé avant de s'évanouir sous la violence d'un coup porté à l'arrière de la nuque.

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- Bon sang ! Mais qu'est-ce qu'elle fabrique ?

Morgan retira son casque d'un mouvement brusque et planta son regard noir dans celui de Rossi qui haussait les épaules en signe d'ignorance. Aucun bruit ne leur était parvenu depuis que Emily leur avait certifié que tout allait bien soit dix minutes plus tôt. Que diable faisait-elle dans ces toilettes alors que leur suspect se baladait librement ?

- Elle aurait dû retourner dans la salle depuis un moment, concéda Rossi en sortant son cellulaire. J'appelle le lieutenant Fry pour savoir ce qu'il se passe.

Morgan le regarda faire et étudia son collègue parler précipitamment au téléphone avec leur correspondant à l'intérieur du bar. Rossi fronça plusieurs fois les sourcils puis paru se détendre un peu avant qu'une réelle expression de peur ne fige ses traits. Morgan sentit son estomac se nouer aussitôt, son instinct lui criant que quelque chose ne tournait pas rond. Il tapait nerveusement du pied en attendant que son collègue lui rapporte sa conversation. Rossi raccrocha. Son visage fermé ne prédit rien de bon.

- Prentiss est dans les toilettes depuis environ un quart d'heure. Notre homme s'y est dirigé cinq minutes après qu'elle y soit entrée et aucun des deux n'en est ressorti, expliqua Rossi le regard vide.
- Ce qui veut dire ?
- Appelle Hotch, dis lui que l'on entre.

Un bruit sourd lui martelait les tempes, en dépit de ses efforts ses paupières refusaient de s'ouvrir, sa tête pesait une tonne et quant à son corps, il ne semblait pas décider à bouger. Emily réussit tant bien que mal à rouler sur le dos et fut parcourue d'un frisson au contact du sol froid. Ses souvenirs restaient imprécis, elle ne savait pas où elle était ni pourquoi elle se sentait aussi groggy. Ses cheveux noirs collaient à son cou dans une désagréable sensation et elle passa une main fébrile dans sa chevelure pour remettre en place ses quelques mèches rebelles, remarquant au passage qu'elles s'étaient agglutinées au contact de sang provenant d'une plaie qu'elle avait à la nuque. Comment s'était-elle ouvert le crâne, elle aurait été incapable de le dire et, ouvrant à demi les paupières, elle ne reconnut pas l'endroit. La pièce était plongée dans le noir, il faisait froid et la jeune femme n'avait pratiquement rien sur elle. Reprenant peu à peu ses esprits, elle se questionna cette fois-ci sur sa tenue. Elle ne se rappelait plus avoir mis cette robe ni même l'occasion pour laquelle elle la portait. Emily s'appuya sur ses coudes et patienta un moment dans cette position pour que son mal de tête se calme un peu. Elle parvint à s'asseoir et compta sur le mur pour la soutenir. Rassemblant ses jambes contre son corps, elle enfouit son visage dans ses genoux et ferma les yeux, essayant intensément de se souvenir ce qu'il s'était passé avant qu'elle n'arrive ici.
Il y avait cette affaire à Sacramento, cinq femmes ou non, plutôt six, retrouvées égorgées. Garcia avait réduit leur liste à trois suspects et Reid avait finalement diminué le nombre à un seul. Non c'était l'inverse, Emily se souvenait du coup de téléphone de leur hackeuse favorite et de sa voix enjouée. Ensuite, Morgan et Hotch avaient interrogé leur suspect sans résultat et, si sa mémoire était bonne, ils avaient même fouillé son domicile. Sans grand succès. Après cela, c'était Rossi qui avait proposé d'envoyer Emily comme appât, remarquant qu'elle correspondait au type de femme que recherchait l'individu. Comment s'appelait-il déjà ? Jack ? Non. C'était quelque chose du style Gregory ou Gerald. La jeune femme ferma les yeux un peu plus fort, augmentant par la même occasion sa migraine, et finit par sourire. Elle s'en souvenait. Il s'appelait George. George Parkson. Elle avait accepté cette mission d'où son accoutrement mais ce qu'elle n'arrivait pas à se remémorer c'était l'endroit où elle avait rencontré cet homme.

- Réfléchis Emily, quel était le lien entre lui et les victimes ? s'encouragea-t-elle tout bas.

De part la robe, les chaussures et les bijoux qu'elle portait elle aurait dit un bar. Exactement un bar. La soirée lui revint entièrement. D'abord les approches timides de George qui n'avait pas manqué de la remarquer, assise seule au comptoir. Puis il lui avait déballé toute une histoire qu'elle avait fait semblant de croire. Il lui avait payé un verre, ils avaient dansé puis étaient revenus au bar. La jeune femme se souvint son malaise en croyant apercevoir dans le profond océan de son regard une lueur étrange qu'elle n'avait pas su décrypter. C'était à partir de cet instant que son angoisse avait refait surface. Elle s'était éclipsée aux toilettes et puis il était venu la rejoindre. Il avait compris que tout ceci n'était qu'un piège. La dernière image qui lui revenait était l'obscurité du parking et le van noir devant lequel ils s'étaient arrêtés. Après cela, plus rien. Combien de temps s'était-il écoulé depuis sa disparition ? Sans notion elle se sentait perdue.
Une porte grinça dans le fond de la salle et Emily releva le menton pour voir ce qu'il se passait. Elle fut éblouie par le raie de lumière qui filtra dans la pièce et mit une main devant son visage pour s'en cacher. Des pas lourds s'avançaient vers elle, le bruit sourd des semelles trahissait le déplacement de George. La jeune femme se força à regarder cette ombre se mouver dans sa direction et essaya de paraître en pleine possession de ses moyens. Elle se redressa lentement, une main appuyée contre le mur, l'autre tenant sa tête toujours aussi douloureuse. Le corps de son ravisseur l'immobilisa contre le mur et elle sentit son souffle chaud se mêler au sien. Un coup de poing dans l'estomac l'obligea à se plier en deux.

- Alors agent Prentiss, vous voulez toujours jouer les héroïnes pour coincer le vilain méchant qui tourmente Sacramento ?

La jeune femme se mordit la lèvre inférieure, releva farouchement la tête faisant voler ses longs cheveux noirs et dit d'une voix perçante :

- Le bien finit toujours par triompher sur le mal.

George la gifla à deux reprises et l'obligea à le regarder droit dans les yeux. Ses traits s'adoucirent et un sourire énigmatique éclaircit son visage.

- Comme cela, le FBI m'offre une distraction. Eh bien George ! Profite s'en.

Un rire odieux résonna dans la pièce avant que Emily ne se sente projeter contre le sol. Elle ne comprit pas tout de suite la situation mais lorsque une tempête de coups s'abattit sur elle, elle pria pour voir l'équipe du BAU arriver rapidement et céda sous la violence des attaques. Ici elle ne pouvait rien tenter, elle ne savait même pas où ils se trouvaient. Peut-être l'avait-il emmené dans un état autre que la Californie. Lorsqu'une chaussure vint la heurter en plein visage, Emily ne put retenir un gémissement. George frappait au hasard avec une hargne indescriptible et son acharnement à frapper plus fort semblait le défouler. Il releva la jeune femme sans effort, lui assena plusieurs coups de poings au ventre et au visage puis la laissa s'écrouler à même le sol, incapable de faire le moindre mouvement, meurtrie de toute part. Emily l'entendit s'éloigner en riant cruellement et releva la tête dans un ultime effort.

- Je ne vous laisserai pas gagner, haleta-t-elle en grimaçant.
- Tu en redemande, salope ?

Il ne contrôlait plus ses émotions, sa voix fiévreuse et ses pupilles dilatées en témoignaient. Sans que Emily ne s'y attende, Parkson se précipita vers elle et lui donna un violent coup de pied au creux du genou. Le coup de grâce fut porté lorsque son articulation heurta de plein fouet le sol à plusieurs reprises. Elle sentit ses os céder sous la violence des chocs et laissa échapper des larmes de douleur. La pièce devint flou, les contours de Parkson se firent imprécis puis elle s'effondra dans un bruit sourd, perdant connaissance.


Cette suite ?

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- Penelope Garcia à votre écoute !

La voix enjouée de la jeune femme ne fit pas sourire Morgan cette fois. Il soupira bruyamment comme exaspéré de l'entendre si joyeuse.
Garcia on a besoin de toi. Vérifie si Parkson n'a pas dépensé une grosse somme d'argent dernièrement. Il se pourrait qu'il est acheté une voiture à un particulier sous un faux nom.

- Morgan, est-ce que tout va bien ? demanda-t-elle, une pointe d'inquiétude au fond de la voix.
- On a retrouvé le micro que portait Prentiss dans les toilettes et elle a disparu avec notre homme. Le coupé est toujours garé sur le parking et ils ne sont pas sortis à pied car Hotch et Reid n'ont vu personne.
- Oh mon dieu ! fut tout ce qu'elle trouva à dire. Je t'appelle dès que j'ai quelque chose.

La communication fut coupée instantanément sans que Morgan n'ait eu le temps d'ajouter quoi que ce soit. Il rejoignit ses coéquipiers dans la grande salle désormais vide d'où le lieutenant Fry et ses deux agents avaient disparu également.

- Comment ont-ils pu ne pas les voir sortir ? questionnait Reid en faisant les cent pas.
- Fry dit qu'un groupe obstruait leur champs de vision au moment où l'on suppose qu'ils se sont éclipsés, répondit Hotch l'expression plus grave que d'habitude.
- Merde !

Morgan fit sursauter tout le monde en tapant du poing dans le mur comme un enragé. Son regard sombre aurait fait fuir le premier venu et chacun devinait ce que cachaient ces yeux noirs. Tous bouillaient d'avoir laissé échapper un psychopathe comme Parkson mais Prentiss disparue, rendait la situation encore plus éprouvante. Ils avaient interrogé tous les gens du bar sans avoir le moindre indice sur leur départ si ce n'est qu'une jeune femme les avait vu sortir et les avait pris pour un couple ordinaire. Elle avait l'air paisible bien qu'elle serrât les poings de manière étrange, je m'en souviens. L'homme la tenait naturellement par la taille et souriait. Je les ai pris pour un couple. C'était tout ce dont ils disposaient. Aucun d'eux n'avait attiré l'attention et Prentiss s'était presque jetée dans la gueule du loup sans protester. Ce n'était pas exactement vrai et Morgan le savait. Emily avait évité tout bain de sang en masquant ses émotions plus habillement qu'à l'accoutumée. Elle comptait sur l'équipe pour couvrir ses arrières, elle pensait à tort être sous leur protection et eux l'avaient inconsciemment abandonné. Maintenant elle était dans la nature, peut-être déjà morte, à cause d'une minute d'inattention. À cette pensée, Morgan frémit et les muscles de sa mâchoire jaillirent lorsqu'il serra les dents. Il se sentait inutile ici et son regard hagard semblait la chercher dans la pièce comme s'il espérait qu'elle se soit cachée sous une table ou dans un coin sombre pour leur faire une mauvaise plaisanterie. Il fallait qu'il se reprenne et qu'il reste optimiste. C'était de Prentiss dont il parlait, pas des moins coriaces. Mais que pouvait-il faire à l'instant même ? Reid faisait la liste de tous les véhicules qu'il avait vu sortir du parking. Hotch passait divers coups de fil et Rossi réécoutait les bandes sons de la soirée pour dénicher un début de piste. Morgan s'approcha de Reid et contempla la liste de véhicule d'un œil approbateur. Ce gamin saurait toujours le surprendre. Il remarqua un tressaillement lorsque Reid nota une autre marque de véhicule, sa plaque et sa couleur.

- Ça va ? l'interrogea Morgan en pressant son épaule.

Reid ne répondit rien et haussa les épaules. Sans pouvoir le voir, Morgan aurait juré qu'une grimace de culpabilité venait de transfigurer le visage de son ami.

- Attends une minute ! Dans toutes les voitures que tu as cité, est-ce que tu pouvais voir s'il y avait un passager à l'avant ou à l'arrière ?
- Oui, répondit le jeune homme d'une voix intriguée.
- Est-ce que tu as vu un couple dans l'une de celles-ci ?
- Oui il y avait une femme dans la Cadillac, un couple dans l'Alfa Roméo et un autre dans cette Mercedes je crois. Ah non ! Le couple était dans la noire et non dans la grise.
- Et dans ce van ?
- Les vitres étaient teintées mais je suis sûr qu'il n'y avait que le chauffeur.
- Je vais demander à Garcia de me trouver l'adresse de ces quatre propriétaires et j'irai les interroger.
- Je viens avec toi !

Reid s'était levé si précipitamment et d'un air si décidé qu'il fit sourire Morgan. D'un hochement de tête il accepta la requête, mis Hotch au courant de leurs intentions et composa le numéro de leur magicienne. Il fallait absolument qu'ils retrouvent Prentiss au plus vite au risque de lourdes conséquences.


Emily s'était recroquevillée dans un coin de la pièce, le dos et la nuque posés sur le mur froid lui laissaient des frissons perpétuels sur tout le corps. Un courant d'air provenant d'une secrète ouverture refroidissait l'air ambiant où l'humidité semblait reine et sa robe rouge comme unique parure ne suffisait pas à la réchauffer.
Lorsqu'elle avait repris conscience, sa tête pesait moins lourd mais son corps restait meurtri par les coups et chaque geste demeurait un supplice. Une intense douleur provenant de son genou irradiait sa jambe droite mais la jeune femme avait tout de même réussi à se trainer jusqu'au renfoncement le plus proche pour prendre appui contre le mur.
L'esprit plus apte à travailler que le corps, Emily leva le menton et chercha des yeux une lucarne mais ne trouva rien d'autre que l'obscurité. Elle aurait dû se douter que George avait pensé aux moindres détails avant de commencer à tuer. Perdre la notion du temps rendait ses proies plus vulnérables. Pour ne pas se laisser affecter par cela, Emily ferma les yeux et se concentra. Elle s'imagina sur un banc, dans le parc en bas de chez elle. Devant ses yeux, les eaux tranquilles du lac accueillaient quelques canards. De là où elle se trouvait, elle pouvait entendre le remous des vaguelettes contre la berge et le chant des oiseaux. Ça sentait la fin de l'été mêlée à l'approche de l'automne. Le soleil brillait encore et caressait avec douceur sa peau blanche. Elle jeta un coup d'œil à sa montre, il n'était que seize heures, elle avait le temps et pouvait encore rester là un petit moment.
La jeune femme rouvrit les yeux et se surprit à sourire. Elle ne se laisserait pas déstabiliser par l'absence de repères temporels, il lui suffirait d'aller les chercher là où personne ne pourrait les condamner. Il fallait qu'elle garde l'esprit clair et, faute d'occupation, attendit silencieusement que ses collègues arrivent.

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Hotch releva la tête alors que l'on frappait à sa porte et il s'éclaircit la voix pour inviter Rossi à entrer. Son air pénétré et ses sourcils froncés ne lui laissèrent présager rien de bon. Ces trois derniers jours, son ami avait écouté en boucle les bandes sons de la soirée sans trouver le moindre indice. Hotch n'eut pas besoin de l'inviter à s'asseoir, il s'y autorisa lui-même, croisant les jambes comme à son accoutumée.

- Nous n'avons absolument rien, dit-il d'un ton qu'il voulut neutre mais où l'on sentait une pointe de déconvenue.
- Reid et Morgan ont finalement réussi à avoir le propriétaire du van. Il était en vacances. Ils sont partis l'interroger, peut-être que de leur côté ils auront quelque chose.
- Parkson n'est pas revenu pour sa voiture, n'est-ce pas ?
- Non, répondit laconiquement Hotch.
- Il n'est pas rentré chez lui non plus ?
- Non. Personne ne l'a vu depuis samedi soir.
- Ça fait déjà trois jours et nous piétinons. Il faut que l'on diffuse un avis de recherche Hotch ! On aura peut-être un moyen de le coincer si l'on repère ses habitudes.
- Cet homme est une vraie anguille. Il sait ce qu'il fait Dave. Il n'est jamais deux fois au même endroit. Et si l'on diffuse sa photo, il pourrait s'en prendre à Prentiss.
- Qu'est-ce qui nous dit que ça n'est pas déjà arrivé ?

Hotch haussa les épaules, désabusé. Il n'était pas convaincu par la théorie de Rossi, elle ne collait pas au profil. Ils avaient jugé Parkson comme un homme organisé et calculateur, il était sûr de lui et désirait montrer son pouvoir en imposant la terreur. Son premier crime ayant fait la Une des journaux, il avait pu se rendre compte de l'épouvante engendrée. Ça n'avait fait que décupler son besoin de puissance entrainant ainsi la mort de cinq autres femmes. Dorénavant, Parkson était maitre du jeu et la presse révélant son implication dans le kidnapping d'un agent du FBI serait pour lui l'ultime consécration de son pouvoir. S'ils la lui donnaient, il se lasserait vite de cette gloire et ne verrait plus d'intérêt à garder Prentiss en vie.

- On continue à chercher sans signaler la disparition d'un de nos agents. Ce qu'il veut c'est terroriser, je ne lui en laisserai pas l'occasion tant que Prentiss n'aura pas été retrouvée.
- J'espère que tu sais ce que tu fais.
- J'ai confiance en elle et j'ai confiance en nous.

Désormais le soleil avait totalement disparu et le vent soufflait un peu plus fort. Emily descendait tranquillement la rue qui donnait sur son restaurant favori Denny's. Les mains dans les poches, elle boitait légèrement à cause d'une douleur au genou et tout en regardant distraitement ses pieds, elle se frayait un chemin dans la foule. Les bruyants gargouillis de son ventre la firent rougir. Elle avait passé la fin d'après-midi à rêvasser au parc et affamée, avait décidé de manger au restaurant. Seule, certes, mais au moins, elle n'aurait pas à cuisiner. L'idée d'appeler Morgan et Reid pour les inviter à la rejoindre lui avait effleuré l'esprit l'espace d'un instant puis elle s'était dit qu'après tout, une soirée sans BAU et sans crime lui ferait du bien. La jeune femme jeta un coup d'œil à sa montre dont les aiguilles indiquaient dix-neuf heures. Il n'était pas si tard et pourtant, la nuit avait déjà entièrement enveloppé Quantico. En relevant les yeux, la jeune femme aperçut l'enseigne du restaurant clignoter au loin et sourit. La perspective de s'asseoir dans un lieu chaud lui tira un soupir de béatitude très vite remplacé par une grimace de douleur : son genou commençait véritablement à l'élancer.

- On a quelque chose ! s'exclama Morgan en entrant dans la salle du poste de police de Sacramento qui leur avait été accordée pour mettre au point leur profil et travailler calmement.

Rossi releva promptement le menton en direction des deux hommes qui entraient dans la pièce et esquissa une sorte de demi-sourire. Hotch suivait derrière et semblait impatient d'être mis au courant.

- L'homme que l'on a interrogé à vendu son van il y a un mois à notre homme, il l'a reconnu. Parkson a payé en cash.
- On pense qu'il n'a pas effectué de changement de nom pour le véhicule, ajouta Reid en s'asseyant.
- Ça expliquerait que Garcia n'ait relevé qu'une voiture à son nom.
- Ok. On sait maintenant comment il est sorti du parking sans se faire remarquer mais où a-t-il emmené Prentiss ? s'interrogea Hotch faisant les cents pas près du tableau blanc.
- Je vais demander à Garcia de voir s'il n'y a pas des hangars abandonnés dans les environs. S'il faut tous les fouiller pour retrouver Prentiss alors on le fera.

Morgan ne lâcha pas son supérieur du regard et celui-ci lui donna son feu vert par un hochement de tête pensif. Parkson n'était pas du genre à prendre de risque et un bâtiment abandonné était propice à toutes sortes de visites impromptues mais il ne fallait négliger aucune hypothèse au risque de passer à côté de leur homme. Hotch sortit de la pièce tandis que Reid étudiait une nouvelle fois le plan de Sacramento et que Rossi cherchait quelque chose dans le dossier de leur serial killer.

- Hey baby !

La voix douce de Garcia donna une bouffée d'air frais à Morgan qui ferma les yeux et respira profondément.

- Comment vas-tu ? l'entendit-il demander.
- Ça va.
- Et les autres ?
- Ils tiennent le coup. J'ai un nouveau service à te demander.
- Tout ce que tu voudras si ça peut aider à retrouver Emily.
- Sors mois les adresses de tous les entrepôts, maisons, écoles abandonnés dans le coin. Tout terrain que tu trouves inhabité tu l'ajoutes à la liste.
- Elle risque d'être longue mon ange.
- Nous n'avons rien d'autre pour l'instant.

Une semaine plus tard, avec l'aide de la police locale, l'équipe du BAU avait fouillé tous les recoins sordides de Sacramento sans rien trouver. Ils avaient passé au peigne fin chaque site sans résultats. Il fallut donc se rendre à l'évidence : Parkson ne cachait pas Prentiss en ville. Il n'était pas revenu chez lui depuis l'enlèvement et n'était pas retourné à son cabinet de dentiste, il n'était pas assez bête pour faire une si grossière erreur. Leur homme se cachait donc dans un endroit sécurisé pour qu'il se sente suffisamment en confiance et qu'il y garde ses victimes aussi longtemps. Hotch avait prié Garcia de chercher une autre demeure en possession de Parkson, elle ne trouva rien. Aussi inquiète que le reste de ses collègues, elle prit l'initiative de fouiller dans ses factures et somma Reid de regarder dans les papiers que Parkson gardait chez lui. S'il avait une autre maison alors il y aurait certainement des factures d'eau ou d'électricité. Ils firent chou blanc. Il n'y avait absolument rien qui reliait leur suspect à une quelconque habitation exceptée celle de Cutter Way. Aucun corps n'avait été découvert pendant ce temps-là mais l'appréhension monta d'un cran au sein de l'équipe. Emily était portée disparue depuis dix jours.

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