Vos rêves.

Alors, déjà, l'obscurité régnait partout. J'étais dans un endroit bizarre, une grande plaine désertique avec quelques cactus, des montagnes rocheuses, de la poussière et du vent. Et il y avait une voix, mais cette voix, elle était en moi, mais pourtant, elle résonnait partout au dehors. Elle me racontait l'histoire de ce lieu, et parlait d'un endroit empli de magie et de créatures dangereuses qui s'appelait la "Fosses aux Serpents". Il s'agissait d'une fosse, remplie de dangereux serpents, des boas assez petits, mais dont la morsure était mortelle. On en mourrait en quelques heures, dans des souffrances atroces: la peau se gonflait et s'arrachait, les os explosaient....
Là, je l'interrompais, et je disais: "Mais souviens toi, la Fosse Aux Serpents n'est plus là....Elle a déménagé à la (? trou de mémoire) aux Singes...."
Et là, la voix, ma voix en quelque sorte, répondait: "Alors, c'est que le monde va tomber en ruines...." Et la voix disparaissait.

Finalement, je me retrouvais à un autre endroit, quelques temps plus tard. La Voix n'était pas ré-apparue, et les serpents avaient envahi le monde. Ils étaient d'une résistance incroyable, un groupe de 10 hommes armés jusqu'aux dents ne pouvait suffire à tuer ne serait-ce que un seul serpent. Et je me souviens que j'entendais le vent souffler toujours, la poussière me brûler les yeux, glisser dans ma gorge, je sentais le goudron s'effriter sous mes doigts.

Je rejoignais un vieil orphelinat/internat, où étaient réunis pleins d'enfants, et deux adultes, des femmes. Il faisait sombre, d'une obscurité dangereuse, terrifiante, avec des ombres aux doigts crochus comme les mains d'un croque mitaine se tendant pour te saisir et te dévorer. Et j'avais peur, tellement peur, mais c'était rien comparé à ce qui allait venir, rien.

Et les murs de cet internat menaçaient de tomber, de s'effondrer, et pourtant, je sentais la joie des enfants, qui dansaient, tourbillonnaient, chantaient autour d'une petite fille. Elle a traversé la foule en sautillant, et tous batifolaient autour d'elle, si joyeux. Et elle semblait si douce, si fragile, mais dans son regard, dans ses gestes, il en émanait une telle dangerosité, une telle noirceur...Je sentais ma peau frissonner, mes poils se hérisser, la peur me broyer le ventre, me saisir la gorge. Et là, elle disait d'une voix chantonnante

"Venez, venez voir! Venez voir mon présent, votre délivrance. Venez!"

Et tous venaient, joyeux, fascinés, et la foule semblaient onduler, et là, j'avais un flashback: je voyais l'herbe verte d'une prairie onduler sous le chatoiement du vent et la caresse du soleil, une mer recouverte d'écume se soulever au grès du vent....Et je revenais dans la réalité, je la voyais retirer une pierre du mur, et là, je comprenais ce qu'elle voulait faire. je voulais crier, leur hurler de fuir, fuir loin, loin, mais les mots ne sortaient pas. Et là, la petite fille tournait la tête vers moi, et je voyais ses yeux frissonner et se transformer, devenir des yeux de serpents, lisses, froids, aveugles, aux pupilles verticales, des yeux terrifiants, qui semblaient dire: "Tu as perdu, perdu perdu perdu"

Et les mots galopaient dans ma tête, litanie incessante, ils galopaient, galopaient sans répit. Et là, du mur dont elle avait arraché la pierre jaillissait deux serpents. Je fuyais vers la porte, je voulais vivre, furieusement vivre, me battre. Mais le corps de la fillette explosait, et une multitude de serpents en bondissaient, tendant leurs corps vers moi pour me mordre. Deux hommes armés surgissaient, et les enfants qui ne réagissaient pas alors que les serpents les mordaient, broyaient leurs petits os fragiles sous leurs "crocs" terribles. Et je voyais ça, les hommes armés de lance-flamme qui tentaient de brûler ces abominations, mais ils échouaient, les serpents les mordaient eux aussi. Et je contemplais tout ça, et il me semblait entendre le rire sardonique de la petite fille, et dans tous les yeux des serpents, je retrouvais son regard, son regard si dangereux, si mauvais, si monstrueux.

Alors, je bondissais à travers la fenêtre, et je me retrouvais sur la Façade de BIG BEN, et je dégringolais, tenter de m'accrocher aux aiguilles de l'horloge, aux pierres, au lierre qui avait envahi sa façade, mais en vain. Et je tombais, tombais, je croyais que j'allais mourir. Mais il tombait des cendres, comme une neige grise et triste, comme pour annoncer la fin du monde prochaine, et il faisait si noir, et la neige au sol était si grise. Je tombais sur la neige, qui amortissait la chute.

Et soudain, sous la neige, retentissaient des sifflements, le frottement de leurs corps contre le béton qui s'effritait. Alors je courais, je courais pour vivre, parce que je refusais de mourir, pas comme ça. Et je voyais une vieille cabane petite, je m'y engouffrais. un vieux couple y était, mais ils m'acceptaient. Je fermais les portes, m'asseyais près de la cheminée. Il y avait un feu, un vrai feu! Je n'avais plus vu des flammes depuis si longtemps, j'avais oublié cette couleur, si belle dans la noirceur qui avait envahi le monde, mon monde. Je les regardais fascinée. Et je voyais des petites bougies, et je les caressais, je les humais, heureuse de retrouver une odeur, l'odeur de la cire, après un monde fade, sans saveurs, depuis si longtemps. Je grattais une allumette, et tentais d'enflammer cette bougie, si petite, mais d'une couleur si belle! D'un pourpre sombre, mais une couleur! Au milieu de la noirceur, des cendres, d'un monde agonisant et détruit où l'homme n'avait plus sa place, et se terrait et fuyait, non pas pour vivre, mais pour à peine survivre. Et je regardais cette bougie, et ça amenait tout ça en moi, des regrets, de la tristesse, une tristesse si sourde, si profonde, ça me broyait le cœur, me noyait les yeux. Et le vieux avait ouvert les deux portes pour aérer, quand soudain, les sifflements retentissaient au loin, les serpents arrivaient, ils arrivaient tous. Et je compris que nous étions les derniers, les derniers humains de cette terre. Et j'avais mal, tellement mal à cette pensée. Et la peur, en entendant les sifflements se rapprocher. Le vieux allait fermer l'une des deux portes, et j'étais blottie contre la vieille, terrifiée, d'une telle terreur que j'aurais préféré qu'elle fasse mon coeur s'arrêter de battre tellement ce n'était pas humain, cette peur. Indescriptible. Invincible. Invisible. Et une hyène, petite, noire comme la nuit, comme si elle absorbait la lumière, avec des yeux jaunes, des yeux jaunes de serpents avait bondi à l'intérieur. J'ai hurlé, paralysée, incapable d'agir, de penser, juste capable de pleurer, de supplier, de prier, prier la première chose qui me passait la tête, prier je ne savais pas quoi. Le vieux bondissait, la prenait dans ses bras, et jetait la hyène dehors, avant de fermer la porte. Et je voyais son regard qui pleurait, reflet de ma peur, de ma douleur, qui me disait "Désolé"

Je ne comprenais pas. Pourquoi était-il désolé? Pourquoi? Et la Voix revenait, en moi, et me disait tout, m'expliquait. Il était un savant, qui avait exploré une région jamais découverte d'Amazonie, et il avait trouvé un de ces serpents, dans un vieux temple, scellé, des malédictions gravées sur ses lourdes portes de pierre. Il avait ignoré les avertissements, bravé les dieux. Il avait ramené le serpent....là, dans cette cabane, pour l'étudier. Mais un jour, ce serpent s'était enfui. Et tous ces serpents venaient de là. De ce vieil homme dévoré par l'ambition, qui espérait obtenir une récompense pour sa découverte....Et quelle récompense? Un monde dévasté, détruit, agonisant, vidé de toute trace de vie, hormis nous 3 et la hyène...

Un hurlement retentissait dehors. Non, pas la hyène....Plus la hyène. Les serpents venaient là, en dernier lieu, tuer leur créateur, leur libérateur. Ce monde était leur désormais. Leur. Pas nôtre. L'avait-il jamais été?

"Non" avait répondu la Voix.

J'entendais les serpents frôler les murs, leurs sifflements envahissant l'air, le rendant oppressant, dangereux, palpable. Et nos tympans vibraient au rythme de ses sifflements, nous rendant fous. J'entendais des glissements dans la cheminée, des frottements toujours plus nombreux sur le toit. J'en vis un émerger de la cheminée, traversant sans crainte ni dommage le feu. Un. Puis deux. Puis dix. Et toujours plus nombreux. Le vieux et la vieille, submergé, étaient déjà mort. Et tous ces serpents qui s'avançaient vers moi. Mais je n'avais plus peur. Je n'avais plus peur, parce que la Voix était là, avec moi, et son murmure éteignait les sifflements devenus rugissements. Seule la Voix comptait, seule la Voix était là. Plus de peur. De la paix. Je ferme les yeux....